Pratique de la gratitude : boostez votre cerveau altruiste!

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On connaît depuis quelques années les bienfaits de la pratique de la gratitude sur la santé physique, le bien-être, les relations sociales et la santé mentale. Une étude récente a permis de montrer que la pratique régulière de la gratitude modifie certaines zones du cerveau, celles qui permettent l’expression de la compassion et de l’altruisme. Elle explique ainsi pourquoi pratiquer volontairement la gratitude rend plus altruiste.

La gratitude est le sentiment que nous éprouvons lorsque nous sommes bénéficiaires d’un comportement humain généreux, sincère et désintéressé. Elle peut se manifester dans plusieurs situations. Par exemple lorsque nous sommes dans un état de profonde détresse et qu’une personne nous tend une main secourable. Ou bien lorsque nous sommes en danger et qu’un inconnu nous apporte son aide. Il s’agit donc de situations dans lesquelles nous ressentons une profonde reconnaissance vis-à-vis de notre bienfaiteur et sommes enclins à le remercier.

Cette émotion sociale présente la particularité d’être transculturelle, puisqu’on la retrouve dans toutes les sociétés et les civilisations. La psychologie s’y intéresse depuis une dizaine d’années afin d’en comprendre le fonctionnement et d’utiliser ses vertus dans le domaine clinique.

La recherche a ainsi montré que la pratique de la gratitude ne se manifeste pas seulement sur le plan comportemental, en nous poussant à remercier notre bienfaiteur. En effet, elle s’exprime également en activant des zones spécifiques de notre cerveau impliquées dans la compassion et l’altruisme.

Pratique de la gratitude : de multiples bienfaits

C’est dans les années 2000 qu’ont commencé les premières études sur la pratique de la gratitude. Robert Emmons et Michael McCullough, respectivement psychologues à l’université de Californie et au département de psychologie de l’université de Miami, ont été les pionniers de cette recherche. Ils ont alors défini la gratitude comme une émotion sociale et morale destinée au maintien des relations interpersonnelles. Ils ont en effet montré que la gratitude permettait de renforcer les liens entre les individus ainsi que la coopération entre eux. La gratitude est donc une émotion qui favorise les comportements pro-sociaux : nous accordons à la personne qui nous a procuré son aide un remerciement, un présent ou une aide en retour.

D’autre part, la gratitude permet d’orienter son attention vers les aspects les plus positifs que la vie peut offrir. Dans ce sens, elle n’est pas seulement une émotion liée aux relations interpersonnelles mais aussi l’expression plus large d’une forme de reconnaissance pour ce que la vie nous apporte de positif.

La pratique de la gratitude améliore la santé mentale

De nombreuses études ont montré que la pratique de la gratitude permettait d’améliorer le bien-être de l’individu et d’agir comme facteur de protection contre certaines pathologie. Ainsi, une pratique régulière de la gratitude réduit les risques de dépression, de trouble d’anxiété généralisée ou de phobies. Elle permet également de diminuer les risques de dépendance à l’alcool ou à la nicotine.

Dans le domaine des troubles du comportement alimentaire, on observe ses effets positifs à un double niveau. D’une part la pratique de la gratitude améliore l’image du corps, dont on sait que c’est une problématique cruciale de ces troubles, en particulier de l’anorexie. D’autre part, elle réduit le risque de de développer un syndrome boulimique.

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Des études ont également mis en évidence les effets positifs de la pratique de la gratitude sur le fonctionnement quotidien des personnes souffrant d’un trouble de stress post-traumatique (PTSD). Ces dernières ont pu en effet constater des améliorations dans leurs relations familiales et amicales. Elles ont également remarqué que la pratique de la gratitude leur permettait de vivre de manière plus intense les différents moments de leur vie.

Bien-être global et relations interpersonnelles

Les chercheurs ont également montré que la pratique de la gratitude favorise le bien-être global en réduisant la quantité d’émotions négatives ressenties au profit des émotions positives et en offrant plus de satisfaction dans la vie. D’autre part, elle agit directement sur la santé physique, en réduisant le niveau de stress et en améliorant la qualité du sommeil.

Sur le plan interpersonnel, la pratique de la gratitude contribue au maintien et au renforcement des relations. Elle conduit également à des comportements d’entraide et de réciprocité et augmente les capacités à gérer les conflits relationnels.

Pratique de la gratitude: des effets observables sur le cerveau

Alors que les études qui montrent les bienfaits de la pratique de la gratitude sont nombreuses, celle qui s’intéressent à ses effets sur notre cerveau sont significativement plus rares. La recherche des corrélats cérébraux de la pratique de la gratitude ne sont pourtant pas sans intérêt.

En effet, d’une part cette recherche contribue à une meilleure compréhension de ses mécanismes sur le plan fonctionnel. D’autre part, les études d’imagerie cérébrale permettent de contourner les biais liés aux méthodes explicites utilisant des mesures auto rapportées. En effet, la validité des questionnaires utilisés dépend de la sincérité du participant et ne peut s’affranchir d’un biais de désirabilité sociale.

Le VMPFC, la zone d’expression de l’altruisme

Les premières études d’imagerie cérébrale se sont naturellement focalisées sur une zone particulière du cortex cérébral appelé cortex préfrontal ventro-médian (VMPFC). En effet, cette zone était déjà connue pour son implication dans l’expression de l’altruisme. Un acte altruiste est un acte désintéressé à l’égard d’autrui, pour lequel on ne retire aucun avantage personnel direct.

Christina M. Karns et ses collègues du département de psychologie de l’université de l’Oregon ont donc fait l’hypothèse que la zone du VMPFC serait particulièrement activée par la pratique de la gratitude (Karns, Moore, & Mayr, 2017).

Afin de vérifier cette hypothèse, ils ont réalisé une étude d’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IMRf) sur deux groupes de participants. Chacun des groupes devaient compléter un journal en ligne pendant trois semaines, à raison d’une dizaine de minutes par jour. Les participants du premier groupe devaient relater les événements passés de la journée pour lesquels ils avaient éprouvé de la gratitude ou bien effectuer une tâche qui impliquait de la gratitude. Quant aux participants de l’autre groupe, il devaient également relater les événements passés de la journée. Mais de manière la plus neutre possible, ou bien effectuer une tâche neutre n’impliquant pas de gratitude.

Le VMPFC s’active plus après une pratique régulière de la gratitude

Des imageries d’activation cérébrale du VMPFC ont été effectués avant et après les trois semaines de rédaction du journal, pour chaque groupe de participants. Durant ces relevés IRMf, chaque participant devait réaliser une tâche consistant à donner des sommes d’argent plus ou moins importantes à une banque alimentaire fictive, selon un paradigme appelé « donation charitable ». A l’issue de l’enregistrement, le degré de satisfaction des participants étaient évalué.

Les chercheurs ont alors constaté une activation plus importante du VMPFC des participants appartenant au groupe ayant effectué durant trois semaines la pratique de la gratitude. D’autre part, le niveau de satisfaction consécutif à un don charitable était plus important dans ce même groupe.

Ainsi, la pratique régulière de la gratitude aurait pour effet d’activer les zones du cerveau impliquées dans les comportements altruistes et compassionnels. Elle permettrait également de générer plus de satisfaction lorsque ces comportements altruistes seraient mis en place.

Intérêt clinique : peut-on rendre les individus plus altruistes?

L’altruisme n’est pas le propre de l’homme. De nombreuses espèces animales manifestent en effet un comportement altruiste afin de garantir la cohésion du groupe. Cela semble indiquer que l’altruisme possède une base génétique, innée, qu’il une réponse adaptative de l’individu lui permettant d’assurer au mieux sa survie au sein du groupe.

Il en va pas différemment chez l’homme, car des études laissent penser que les comportements humains altruistes ont également une base génétique. En effet, elles ont mis en évidence un un certain nombre de différences neurobiologiques entre les individus, selon qu’ils possédaient plutôt des traits altruistes ou des traits égoïstes (Sonne & Gash, 2018).

Un traitement possible des troubles de la personnalité

Cependant, ces études montrent également que le trait de personnalité altruiste/égoïste correspond à un continuum. Ainsi, chaque individu possède une quantité variable d’altruisme et d’égoïsme. Par ailleurs, cette quantité ne serait pas figé une fois pour toutes. C’est pourquoi certaines pratiques telles que l’entraînement à la compassion, la méditation de pleine conscience ou encore d’autres techniques issues de la psychologie positive ont montré leur efficacité dans la diminution des traits égoïste et dans l’activation de comportements altruistes chez des individus à l’origine peu enclins à ce type de comportement.

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On voit ce que ce type de recherche pourrait apporter dans le traitement des troubles de la personnalité. En effet, des troubles tels que le trouble de la personnalité narcissique ou le trouble de la personnalité anti-sociale peuvent avoir des conséquences désastreuses au niveau des relations interpersonnelles.

Ces deux troubles sont caractérisés par un manque d’empathie et une exploitation d’autrui. Leur prise en charge est réputée difficile car les personnes sont peu conscientes de leurs troubles et peu motivées au changement. On peut cependant espérer que de futures études montrent qu’il est possible de changer la manière de se comporter vis-à-vis d’autrui en développant sa compassion et son niveau d’altruisme. On pourrait alors nourrir l’espoir de parvenir à responsabiliser un peu plus ces individus sur les conséquences délétères de leur comportement.

Pour aller plus loin

Karns, C. M., Moore, W. E. I., & Mayr, U. (2017). The Cultivation of Pure Altruism via Gratitude: A Functional MRI Study of Change with Gratitude Practice. Frontiers in Human Neuroscience, 11.

Sonne, J. W. H., & Gash, D. M. (2018). Psychopathy to Altruism: Neurobiology of the Selfish–Selfless Spectrum. Frontiers in Psychology, 9.

Wood, A. M., Froh, J. J., & Geraghty, A. W. A. (2010). Gratitude and well-being: a review and theoretical integration. Clinical Psychology Review, 30(7), 890‑905.


Jean-François Lopez

Psychologue clinicien, psychothérapeute. Diplômé de l'Université Grenoble Alpes, je me suis formé au modèle de thérapie brève systémique de Palo Alto, qui favorise le changement en faisant appel aux ressources de la personne.

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